Enfant : doit-on écouter ses peurs?
- cabinetdespins34
- 23 mars 2022
- 3 min de lecture
Sur la plage, Thomas, deux ans, est tétanisé. Il refuse d'entrer dans l'eau, même avec la jolie bouée canard. Son papa a aussi investi dans un superbe bateau gonflable, mais Thomas hurle quand il tente de l'installer dedans.
Les parents, ravis à l'idée de patauger avec leur chérubin, achètent de beaux jouets multicolores et aux formes attractives... et lui reste terrorisé à l'idée de tremper le bout du pied dans l'eau ou de s'installer sur cet objet instable. Les petits ont bien du mal à comprendre les raisons qui poussent leurs géniteurs à vouloir à tout prix les mettre dans une situation aussi inconfortable.
Quelle frustration pour le parent ! Une vexation pour certains. Ils ne supportent pas que leur progéniture ne soit pas à la hauteur de leurs espérances et en deviennent agressifs. Ils ne comprennent pas : « L'année dernière, il adorait l'eau ! » et jettent des regards envieux sur ceux dont les enfants sautent, plongent, et s'éclaboussent avec délices.
Quelques parents, ne mesurant pas l'importance des craintes de leur enfant, et les jugeant déplacées, le jettent à l'eau malgré ses hurlements.
Pourquoi ne pas prendre le temps ? Pourquoi ne pas laisser l'enfant apprivoiser à son rythme ce drôle d'élément qu'est l'eau ? Pour montrer aux autres parents que l'héritier sait déjà nager ? Pour ne pas être le père d'une « poule mouillée » ?
Brusquer un enfant n'est pas une méthode efficace pour l'aider à dépasser ses peurs et peut avoir des conséquences lourdes à long terme.
En effet, les enfants dont on méprise systématiquement la peur ne deviennent pas des adultes ouverts et courageux.
Ils peuvent certes nier toute crainte et devenir téméraires. Ils auront alors tendance à prendre des risques de plus en plus grands pour enfin éprouver quelque chose, et tester leurs capacités de contrôle et de maîtrise d'eux-mêmes.
Mais ils peuvent aussi rester effacés toute leur vie, s'abonnant au Témesta ou à d'autres drogues moins licites pour juguler une angoisse qui n'a pas le droit d'être dite et qui donc a bien du mal à être dépassée.
Ils peuvent enfin avoir du mal à s'abandonner dans une relation, à vivre l'intimité. Comment faire confiance ? Leurs propres parents se sont montrés insensibles. Toute dépendance à autrui devient dangereuse. Comment oser encore aimer ?
D'autres encore, et surtout si la colère leur est interdite, se défendent en construisant une réaction phobique. Ils limitent la peur, la focalisent sur un objet. Celui-ci peut être le déclencheur originel, l'eau dans laquelle ils ont été jetés, le cabinet noir ou la cave dont ils ont été menacés, voire dans lesquels ils ont été enfermés. Il peut être déplacé sur autre chose, un ascenseur, un moyen de transport, un chat, une araignée, un serpent...
Peur courtisée, niée, étouffée par la drogue, projetée à l'extérieur, ou envahissante, de toute façon ces enfants dont on aura nié les émois auront un rapport perturbé à l'émotion de peur.
Or, une peur a une raison d'être, même si cette dernière est obscure pour l'adulte. Une peur est à respecter, à écouter, à accueillir. Quelqu'un de courageux n'est pas quelqu'un qui ne ressent pas la peur, mais quelqu'un qui la vit en lui, la reconnaît, l'accepte, en tire les enseignements qu'elle lui apporte. Ne pas éprouver de peur est dangereux. Fondamentalement, c'est une émotion extrêmement saine. Elle nous informe sur la présence d'un danger, elle mobilise notre corps pour y faire face, elle nous apprend à nous préparer devant l'inconnu. Elle est naturelle. Elle est à traverser, à utiliser.
En résumé, il y a des peurs saines, il y a des peurs démesurées, déplacées. Il y a des peurs à traverser, d'autres à dépasser, toutes sont à respecter, à accompagner.
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